29 mars 2010

Dans les camps Khmers Rouges...

Un jour que j’étais en remplacement dans le camp Khmer Rouge de Boraï, et que je faisais seul un tour de surveillance du camp, je m'enquis de pousser jusqu'à sa lisière. Je passais en 4x4, comme la piste était très accidentée, et qu'il y avait quelques ruisseaux à traverser. Une fois la bordure du camp atteinte, et comme j'aimais le faire à chaque fois au cours de mes tours de surveillance, je coupai le moteur, sortis du véhicule, et tout simplement observai et écoutai. Soudain, j'entendis des voix d'hommes qui se rapprochaient derrière les bambous et… je tombais tout à coup nez-à-nez avec une patrouille de combattants Khmers Rouges, armés jusqu’aux dents de AK7, grenades et RPG et qui repartaient au front. Ne sachant pas trop que faire dans cette situation on ne peut plus ambiguë pour un responsable onusien, j’optai vite pour la solution "désamorçante", en leur adressant en khmer un bonjour jovial, le sourire aux lèvres, et leur demandant où ils allaient. Ils me répondirent avec un grand sourire qu’ils allaient "casser du Vietnamien!", et passèrent leur chemin... Je venais de croiser pour la première fois des soldats Khmers Rouges en pleine campagne militaire… J’ai soufflé quelques minutes avant de reprendre le volant. J’eus par la suite bien d’autres occasions de rencontrer des soldats, voire des cadres Khmers Rouges, mais je me souviens surtout de cette première. 

Naturellement les camps recevant l'aide des Nations Unies, bien qu'administrés par les factions politiques de la résistance (à "l'envahisseur" vietnamien), se doivent impérativement d'être des camps civils. Mais comment assurer un tel statut quand on est entouré de camps militaires et qu'il ne viendrait pas à l'esprit des soldats qui occupent ces camps satellites, de venir visiter leur famille dans les camps civils sans leurs armes. Nous autres cadres onusiens, responsables des camps, avions peu de poids face aux militaires thaïlandais et khmers pour faire respecter l'obligation aux combattants cambodgiens de déposer leurs armes avant d'entrer dans les camps civils. Je me souviens de cette fois, parmi tant d'autres, où déambulant dans le camp khmer rouge de Boraï, en mission de surveillance, je m'approchai d'un aveugle, un ancien soldat Khmer rouge qui avait perdu les deux yeux au combat; il était heureux de pouvoir discuter avec un étranger, mais très vite se mit a pleurer sur son sort… il m'invita alors à m'asseoir dans sa petite hutte de bambou et de chaume. Nous poursuivîmes la conversation quand soudain, en scannant l'intérieur de la maison, mon regard se fixa sur l'incroyable: tout un arsenal d'armes, à peine caché, était là posé sur les bambous du plafond: AK47, RPG et moult grenades chinoises…  Non seulement le pauvre homme ne put se rendre compte de ce que je venais de découvrir, mais sans doute ne savait-il pas lui-même que sa maison servait d'entrepôt d'armes à ses camarades.
[Période: UNBRO, frontière khméro-thaïlandaise, Thaïlande (1987-1992)]

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