29 mars 2010

"Culture shock"... très très shock!

Un jour, Yolaine L., Véronique D. et moi, serrés comme des sardines dans le petit habitable du pick-up jaune d’OHI, roulions sur le chemin de retour de Khao-I-Dang à Aranyaprathet; nous suivions alors un gros semi-remorque depuis quelques centaines de mètres, lorsque celui-ci s’écarta très légèrement du bord de la route pour dépasser un motocycliste. Alors qu’il était en train de le dépasser d’assez près, nous  observions avec inquiétude le motard qui semblait ne pas rester droit dans sa trajectoire, vacillant de plus en plus… était-ce le déplacement d’air du camion qui le frôlait? Était-il saoul? Toujours est-il que c’est avec stupeur que nous le vîmes soudain basculer vers le camion, heurter violemment la remorque et s’écraser sur le bitume dans un bruit mat de métal raclé. Yolaine pila pour éviter le corps qui gisait à terre, tandis que le camion poursuivait sa route.
Nous nous arrêtâmes sur le champ, et accourûmes vers le corps. Le motard, un homme d’une cinquantaine d’année, avait la moitié du visage emportée et en lambeaux. Mais il repris peu à peu conscience, et émit des râles… ce qui nous rassura; il était encore en vie. Nous commençâmes alors à prodiguer les soins de premier secours et nous appelâmes l’ambulance de la Croix-Rouge internationale stationnant non loin de là, dans le camp de Khao-I-Dang. En attendant, des enfants qui avaient été témoins de l'accident, et s’avérèrent être justement les enfants du motard accidenté, arrivèrent en hurlant. Ils se jetèrent sur leur père et tentèrent de le relever malgré nos protestations; la femme du blessé arriva en hurlant elle aussi, mais devint alors totalement hystérique lorsqu’elle ramassa sur la route un des orteils de son mari... les voitures et les badauds commençaient à affluer et… à nous regarder de travers; comme si nous étions responsables de l’accident, nous insultant, nous menaçant… Nous comprîmes vite qu’il allait nous falloir déguerpir au plus vite dès que l’ambulance arrivera. Il nous fallut donc tenir quelques très longues minutes, continuant à prodiguer les premiers soins dans une ambiance totalement folle et hostile. Nous partîmes donc, aussitôt le blessé chargé dans l’ambulance.

Plus tard, nous nous renseignâmes et apprîmes que l’homme avait eu la vie sauve. Nul ne sait si le camionneur a jamais été appréhendé, mais j’en doute. Ce fut le premier des nombreux accidents dont je fus témoin lors de ces années en Thaïlande. C’est en tout cas par cette première expérience que j’ai compris les bienfaits de cette loi chez nous de "non-assistance à personne en danger" totalement inconnue en Thaïlande, et dans la région en général. Ici, en effet, seuls les responsables des accidents s’arrêtent pour porter secours, quand ils ne prennent pas fuite tout simplement. S’arrêter donc pour aider est considéré comme un aveu de culpabilité et constitue un réel danger de lynchage si les choses tournent court. Par la suite, lorsque j’étais témoin d’accident, je m’assurais d’abord qu’il y eut bien d’autres témoins avant d’intervenir, sinon, autant d’abord prévenir la police plutôt que de tenter d’intervenir. Une chose bien difficile pour un "humanitaire"…
--  
Un autre jour, alors que j'étais dans un de ces bus bleus climatisés, et que j'étais debout, en train de sortir des toilettes, le bus pila, je m'accrochais tant bien que mal pour ne pas tomber; le bus se remit a rouler, mais très lentement… c'est alors, qu'étant debout, je vis une scène, très courte, mais qui me marquera toute ma vie: un homme sortait d'une voiture garée précipitamment sur le bord de la route, il était blême, le visage décomposé; il remontait la trajectoire de sa voiture et se dirigeait vers ce qui faisait maintenant l'objet de toutes les attentions des passagers du bus… sur le macadam, une petite fille, dans son uniforme d'écolière, gisait dans une position incongrue, désarticulée, la face contre terre, et une flaque de sang s'élargissait autour de sa tête… son vélo à quelques mètres d'elle... le bus passa très lentement près du corps, puis reprit sa route. Cet insupportable spectacle de quelques secondes me hanta tout le reste du voyage, et jusqu'à aujourd'hui.
[Période: Opération Handicap Internationale, Thaïlande (2005-2006)]

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire