26 avr. 2010

L'erreur est hum...anitaire aussi!

Aranyaprathet, Thaïlande - Tous les mois, tous les responsables OHI d'ateliers de prothèses, disséminés un peu partout en Thaïlande, se retrouvaient pour une réunion de coordination et de discussion. Serge P. et moi avions remarqué qu'à l'occasion de ces réunions certains expatriés ne pouvaient s'empêcher de "se la monter" en insistant sur leur "grosse activité" ou la taille de leurs équipes d'ouvriers. Cela se passait de telle sorte qu'on avait parfois l'impression d'assister à une compétition; chacun/chacune montrant qu'il était le/la meilleur(e), et que son atelier tournait à plein et au mieux… Et oui, bien sûr, chez les agents humanitaires aussi ça existe les luttes de pouvoir et autres "grosses têtes".  Je me souviens d'un certain volontaire qui commençait toujours son tour de parole par un "euh… Site 8, beaucoup de travail…", et Serge et moi de nous dire tout bas "-ben oui, peut-être que les appareillages sont tellement mal faits que la semaine suivante ils doivent tous les réparer… beaucoup de travail!".

Tout cela prenait une tournure tellement ridicule que Serge et moi décidâmes de prendre tout ce petit monde à contre-pied: nous créâmes et commençâmes à étoffer un "Catalogue des horreurs" dans lequel nous répertorions, photos à l'appui, toutes les innovations techniques que nous avions tentées …et ratées!  Ceci afin de dégonfler de manière humoristique et honnête la baudruche de l'orgueil qui commençait à sérieusement affecter la justesse des rapports techniques. Pour ma part, je n'avais pas trop de mal à faire figurer une de mes magnifiques prouesses techniques: j'avais en effet un patient, dans mon petit atelier de Boraï, qui présentait un tableau très difficile à appareiller: il avait la terrible malchance d'être à la fois amputé d'un bras, d'une jambe, avec la jambe restante trop faible pour le porter. La solution était naturellement de lui construire un fauteuil roulant adapté. Ce à quoi je me lançai avec les ouvriers. Mais comme d'aucun peut le comprendre, faire avancer une chaise roulante avec un seul bras, ça fait tourner en rond! Alors - pas bête la guêpe - j'avais fait souder les moyeux de la chaise roulante afin que même avec un seul bras les deux roues fussent mues en même temps. Pour pourvoir à la direction, je faisais installer un repose-pied spécial, au bout d'une flèche sur laquelle était fixée la roue avant du fauteuil sur un pivot. Ainsi même avec un seul pied faible, le patient pouvait infléchir la flèche et tourner à loisir à gauche ou a droite. En tout cas, en théorie. J'étais très fier de ma petite invention. Seul problème: elle ne marchait pas du tout. En effet, j'avais très mal calculé le centre de gravité, notamment le poids reposant sur la flèche avant, ce qui signifiait que le patient pouvait très bien faire avancer le fauteuil avec son seul bras, mais quand il voulait tourner, il avait beau tenter de tourner la roue avant sur son pivot de tous les côtés… le fauteuil continuait tout droit, il se prenait le mur à chaque fois!  [Comme ces caddies de supermarchés aux roues folles qui tournent dans tous les sens sans jamais vraiment infléchir la direction].  
La chaise en question
Naturellement nous corrigeâmes l'erreur, mais en attendant, pour apprendre de cette erreur, la première version du fauteuil, qui m'avait donné "beaucoup de travail…", méritait bien de figurer dans notre "catalogue des horreurs"…     

[Hôpital de Boraï, Thaïlande, période OHI (1985-86)]

2 commentaires:

  1. Oui, avec le recul on en rigole bien sûr. Mais quand on était en poste et qu'on était jeune, qu'on était Bioforce et qu'on n'avait pas la prétention à se la jouer, il y avait parfois de grands moments de solitude. Mais c'est peut-être bien grâce à une telle situation que des liens se sont forgés entre nous qui ont permis de traverser les moments difficiles et d'être toujours amis depuis 25 ans.

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    1. Oui, Fred, j'y crois aussi. Ce sont en effet ces moments difficiles, ces périodes de questionnements, ces déprimes, et toutes ces épreuves vécues, bien entouré, qui forgent les amitiés solides et durables.
      Je n'oublie pas notamment l’hospitalité que tu as su m'offrir au long des années toujours au bon moment, a Bangkok, a Phnom Penh, et a Vientiane.
      A bientot!
      Stef

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