6 mai 2010

Une photo = une histoire – La petite Oeup…

Un jour, alors que je marchais dans les travées du camp, je tombai sur une petite fille totalement défigurée; je ne l'identifiai d'ailleurs comme "fille" que parce qu'elle portait une petite robe. Curieux de savoir ce qui l'avait si affreusement mutilée, j'interrogeai la mère: celle–ci m'expliqua que lorsque la petite était encore tout bébé, la moustiquaire en nylon au-dessus son lit avait prit feu et était tombée sur elle, lui brûlant profondément les chairs, notamment du visage et des bras*. Elle s'appelait Oeup et avait 5 ans.  Lui demandant si elle allait à la crèche comme les autres enfants de son âge dans le camp, la maman me répondit avec tristesse que l'école l'avait refusée à cause de son apparence. Quelque peu outré, je lui demandai alors si elle voulait bien que nous allions ensemble voir la directrice de la crèche pour tenter de la persuader d'accepter la petite Oeup dans son établissement, et lui permettre de vivre une vie sociale normale. La maman accepta. Nous montâmes dans ma voiture et partîmes sur le champ pour la crèche. Là, prenant Oeup dans mes bras (la photo) je rencontrai la directrice et lui demandai pourquoi  la petite avait été refusée dans son établissement. La directrice m'expliqua avec moult larmoiements qu'elle voudrait bien l'accueillir, mais que les autres enfants en avaient peur, et que "...rien que de la regarder, ils en vomissaient". Je posai la petite à terre, et poursuivis ma discussion avec la directrice, qui n'en démordait pas. Soudain, en me retournant, que vis-je? La petite Oeup en train de jouer en toute tranquillité avec quelques nouveaux copains… je me tournai alors vers la directrice et lui demandai avec un sourire "-alors, il y a un problème?". Manifestement gênée, elle me répondit,  "-…euh, apparemment non." "-alors vous la prendrez dorénavant?" "-oui, oui, pas de problème". Nous quittâmes l'établissement. Je redéposai la maman, heureuse, chez elle, l'invitant à me prévenir  immédiatement si la petite Oeup était encore injustement rejetée à d'autres activités collectives des enfants de son âge. Elle acquiesça et nous nous séparâmes.

L'humanitaire, c'est aussi traiter de l'exclusion …et pour ça, nul besoin d'aller à l'autre bout du monde!


* J'étais alors loin de me douter que quelques quinze années plus tard, alors directeur du projet de lutte contre la malaria de l'Union Européenne au Laos, passant commande de centaines de milliers de moustiquaires, son visage me reviendrait en mémoire, et me pousserait à exiger la norme anti-feu dans les spécifications.

[Période UNBRO; frontière khméro-thaïlandaise, Site 2] 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire