26 oct. 2010

L'huile dans les rouages?

Un jour alors que je présidais une séance publique d'ouverture d'enchères pour je ne sais plus quel appel d'offres local, et que j'ouvrais une grande enveloppe scellée dans laquelle devait se trouver l'offre d'un des candidats, une autre enveloppe, plus petite et bien plus charnue, tomba sur la table. Nous nous regardâmes tous avec circonspection. J'ouvris donc devant tout le monde cette petite enveloppe, et nous virent alors apparaître un joli petit paquet de billets de 100 dollars bien propres… Je replaçai aussitôt les billets dans l'enveloppe, la re-scellai tout aussi publiquement, et la renvoyai sur le champ à son envoyeur, l'informant très officiellement que son enchère avait été rejetée pour cause de vice de procédure grave, et lui rappelant par la même les règles strictes anti-corruption de l'Union Européenne.
Exemple de séance d'ouverture publique des offres

Quelques jours plus tard, l'envoyeur de la lettre me répondit par une autre lettre, se confondant en excuses et m'expliquant que je n'y étais pas du tout… qu'il y avait eu erreur: en fait, il avait simplement demandé à sa secrétaire de déposer son enchère à  notre bureau avant de passer à la banque déposer de l'argent, mais la secrétaire s'était trompée et avait mis par erreur l'argent dans l'enveloppe des enchères!… Oh, ben alors, quelle étourdie quand même cette secrétaire! 
Bon, en attendant, nous enregistrâmes gentiment cette compagnie et ce monsieur sur la liste noire, les excluant pour longtemps de nos futurs appels d'offres.


La question de la corruption n'est pas aussi facile à traiter que d'aucun voudrait le faire croire. Certains distinguent deux types de corruptions dans les pays en développement: la "corruption de survie", celle des petits fonctionnaires aux salaires si bas qu'ils ne sauraient en aucun cas subvenir à la survie de leurs familles, c'est la corruption que l'on a tendance à  justifier, en tout cas à  pardonner; et puis la "corruption de prédation", celle des hauts fonctionnaires de l’État qui détournent des millions – notamment de l'aide internationale - pour s'acheter toujours plus de palais, de filles, et autres Mercedes-Benz; c'est bien sûr la corruption que l'on condamne le plus fermement.
Cette distinction entre les deux types de corruption est certes intéressante, mais bien malin qui saura dire ou se trouve la frontière entre les deux. Ou placer le curseur? Un petit fonctionnaire corrompu saura-t-il arrêter ses pratiques abusives dès qu'il aura atteint un certain "minimum vital" pour sa famille?
Le débat reste ouvert… (À suivre donc)

En attendant, j'éprouve un immense respect pour tous ces fonctionnaires locaux éminemment compétents – et nous en rencontrons toujours lors de nos missions – occupant des postes de grandes responsabilités, et qui néanmoins roulent encore dans leur vieille Lada, et vivent toujours dans leur petite maison. Quelle intégrité dans un tel monde de tentations! Quel exemple!

Période: Union Européenne, Laos, 2000-2003

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire