28 mai 2011

Il fera meuh la prochaine fois.

Un jour, dans le camp de Site 2, on m’informe par radio qu’un échange de rafales d’armes automatiques s’est fait entendre du côté de la route d’accès. Je fonce donc en cette direction, et très vite, tombe sur deux jeunes soldats DPPU[1], très nerveux, leur fusils d’assaut M16 en mains et les yeux fixés vers les broussailles à une centaine de mètres devant nous. Je descends de ma voiture, rejoins les soldats, et ces derniers m’informent qu’un groupe d’une vingtaine de bandits fortement armés vient de traverser la route, leur a tiré dessus, et qu’ils ont riposté. Maintenant les bandits se sont enfuis dans les broussailles que les soldats continuent de scruter avec fébrilité. Comme nous sommes totalement à découvert sur cette route et qu’il n’y aucune tranchée aux alentours, j’invite les jeunes soldats à s’abriter derrière ma voiture pendant que j’appelle à la radio mon collègue onusien coordinateur de la sécurité du jour, ainsi que le commandant de la DPPU pour les informer de la situation. 
Soudain, quelque chose semble bouger de derrière les broussailles ; le soldat à mes côtés dirige aussitôt son fusil M16 en direction du mouvement suspect, se tourne nerveusement vers moi et les yeux remplis d’effrois m’interroge: « -Je… je tire?».  Je ne suis pas habilité à donner des ordres aux soldats de la DPPU, mais puisqu’il semble vouloir mon assentiment, je regarde les broussailles, et lui réponds «-non, attendez, on ne sait pas encore de quoi il s’agit ; tirez que si on vous tire dessus... » Bien m’en prit, car à cet instant précis, de bons vieux paysans thaïlandais – de ceux qui font habituellement du marché noir avec les résidents du camp --  et leurs buffles, sortirent nonchalamment des broussailles et passèrent leur chemin, sous les regards médusés des deux jeunes soldats... Les bandits devaient être partis depuis belle lurette, et c’est in extremis que de pauvres paysans thaïlandais avaient manqué de se faire zigouiller pour eux. Je comprends mieux aujourd’hui comment les bavures peuvent si vite arriver. 


Période UNBRO, 1988, Camp Officer, Site 2, frontière khméro-thaïlandaise.

[1] Displaced Persons Protection Unit, cette force paramilitaire thaïlandaise, spécialement assignée à la protection des camps de réfugiés et de personnes déplacées, créée sur demande expresse des Nations Unies et des donateurs suite aux exactions répétées commises par la force précédente, la tristement célèbre Task Force 80 .

2 commentaires:

  1. Les plus grands bandits que j'aie croisé dans ma vie c'étaient dans les grands restaurants à Bangkok. Mais ils n'étaient même pas armés.

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  2. Stef, je t'autorise à effacer tous mes commentaires inappropriés!

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