4 juin 2011

… sur votre droite, un petit khmer amputé des DEUX bras, sur votre gauche…

L’accès aux camps de réfugiés était très réglementé ; il fallait montrer patte blanche pour pouvoir obtenir de l’armée thaïlandaise – ou plutôt la force paramilitaire thaïlandaise spécialement assignée aux camps, la Task Force 80, et plus tard, la DPPU -  le moindre laissez-passer. Pour pénétrer dans les camps bien sûr, mais aussi pour y introduire le moindre objet. Par exemple, le laissez-passer le plus difficile à obtenir était le  laissez-passer pour appareil photo ou caméra. 
C’est donc avec une grande surprise et une égale émotion que nous vîmes un jour arriver dans le camp de Site 2 un car, puis deux, puis tout un convoi d’une demi-douzaine de cars de luxe, remplis de riches touristes thaïlandais, pénétrer et circuler dans le camp ! Nous autres, travailleurs humanitaires, n’en croyions pas nos yeux ! Nous n’avions même pas le droit de prendre de photos des camps dans lesquels nous œuvrions depuis des mois, voire des années, et voici que soudain des touristes débarquaient, et depuis les fenêtres de leurs cars climatisés mitraillaient les lieux de leurs appareils! Et pas qu'une seule fois; le manège reprenait régulièrement, environ tous les 3-4 mois. Les cars – dûment autorisés par l’armée thaïlandaise, escortés d’automitrailleuses et autres voitures de la police nationale – entraient doucement dans les camps, et en faisaient très lentement le tour en empruntant les grands axes latérités. Puis ils en ressortaient et s’en allaient comme ils étaient venus. Mais… – diront certains – mais, c’est comme faire visiter un zoo ! C’est le parc de Thouary ! Non, pas du tout, dans un zoo, les gens jettent des cacahuètes, tandis qu’ici ce sont des bonbons que les touristes jetaient par les fenêtres. Sans doute parce que les fleurs c’est périssable. 
Parfois, le tour opérator – pour épicer un peu l’aventure – prévoyait même une halte dans le camp ; alors là, les touristes descendaient du car sous leurs ombrelles et pour se rafraîchir un peu, engloutissaient quelques Coca Cola bien frais, avec glaçons ; le tout bien sûr sous le regard ahuri d’une population réfugiée en sueur pour qui le moindre litre d’eau était rationné.
 
Incroyable? Exagéré ?  Non, juste une "tranche de vie" dans un camp de réfugiés… 

Période Camp Officer, Site 2, 1987-1992, frontière khméro-thaïlandaise

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